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Née en 1925 à Beyrouth, Etel Adnan est une artiste complète, à la croisée des langues et des cultures. Décédée le 14 novembre 2021 à Paris, l’artiste, poète et essayiste libano-américaine laisse derrière elle une œuvre riche, faite de tableaux, de poèmes et d’essais. Etel Adnan s’est essayé à la peinture dès les années 60, accédant à une reconnaissance mondiale à la faveur de sa participation à Documenta13 en Allemagne. Depuis, ses tableaux font le tour des plus grands musées mondiaux, et ses œuvres figurent dans de nombreuses collections, dont le MNAM-Centre Pompidou à Paris. Retour sur la vie et l’œuvre d’Etel Adnan.

Qui est Etel Adnan ?

A la fois peintre, poète et essayiste, Etel Adnan voit le jour dans la capitale libanaise en 1925. Sa mère, grecque chrétienne, et son père syrien musulman l’initient à leurs deux langues maternelles. Très vite, la toute jeune Etel adopte le français, qui devient sa langue principale suite à son inscription à l’école catholique libanaise à l’âge de 5 ans. Plus tard, elle intègre l’Ecole Supérieure de lettres de Beyrouth, tout en travaillant parallèlement à ses études au Bureau d’information français. C’est à cette époque qu’Etel Adnan compose ses premiers poèmes. Après avoir obtenu son diplôme, elle s’envole pour Paris pour faire des études de philosophie à la Sorbonne, avant de prendre la direction des Etats-Unis pour intégrer la célèbre Université de Californie à Berkeley, puis la non moins prestigieuse Université de Harvard.

Entre 1958 à 1972, Etel Adnan enseigne la philosophie de l’art et l’esthétique au Dominican College de San Rafael en Californie. Installée à Sausalito, l’artiste se met à peindre, une décision en partie motivée par sa décision d’arrêter d’écrire en langue française après la guerre d’Algérie. A cette époque, Etel Adnan oriente son expression créative vers les arts visuels en réalisant des peintures abstraites à l’huile, en réponse au conflit qui sévit en Algérie. A ce propos, Adnan déclare que « les couleurs existent pour moi comme des entités en soi, comme des êtres métaphysiques ». Cette vision restera la caractéristique principale de son travail.

En réponse à la guerre du Vietnam, Etel Adnan revient à l’écriture de poèmes, mais cette fois en anglais et non en français. De retour au Liban, elle occupe le poste de rédactrice culturelle du nouveau journal francophone Al-Safa. Après le début de la guerre civile libanaise, elle part s’installer à Paris, où elle écrit son roman « Sitt Marie Rose » en 1977, qui remporte le prix France-Pays Arabes. Écrit en français et traduit en plusieurs langues, le roman relate la vie de Marie Rose Boulos, exécutée par une milice chrétienne pendant le conflit libanais. Etel Adnan retourne en Californie en 1979.

etel adnan artiste

Etel Adnan, l’œuvre de l’auteur

Influencée par Rimbaud, Lyn Hejinian et Jalal Toufic, la poésie d’Adnan brille par son caractère imagé surréaliste, ses métaphores fortes et ses expérimentations linguistiques et formelles, grâce à l’utilisation d’une gamme stylistique pour le moins inattendue pour aborder la nature de l’exil et l’injustice politique, sociale et sexiste. En plus d’être peintre, Adnan est l’auteur de nombreux ouvrages de prose et de poésie, doublée d’un sculpteur et d’un tisserand dont l’œuvre a été exposée un peu partout dans le monde. Entre autres recueils de poésie, Etel a publié :

  • Moonshots (1966) ;
  • The Indian Never Had a Horse (1985) ;
  • The Spring Flowers Own & Manifestations of the Voyage (1990) ;
  • There: In the Light and the Darkness of the Self and the Other (1997) ;
  • Seasons (2008) ;
  • Night (2016) ;
  • Surge (2018) ;
  • Time (2019), lauréat du Griffin Poetry Prize ;
  • Shifting The Silence (2020).

Eu égard aux romans, Etel Adnan l’écrivaine en a également publié plusieurs, le plus connu étant Sitt Marie Rose, écrit en 1977. En 1993, la romancière publie « Of Cities and Women (Letters to Fawwaz) », une série de lettres sur le féminisme qu’Adnan a écrites à l’intellectuelle arabe exilée Fawwaz Traboulsi. Elle publie, la même année, « Paris, When It’s Naked », et « Master of the Eclipse » en 2009, qui remporte le prix Arab American Book Award.

Au-delà de ses poèmes et de sa prose, Etel Adnan s’est également illustré dans d’autres domaines. En effet, c’est elle qui a écrit les textes des deux documentaires réalisés par Jocelyne Saab sur la guerre civile au Liban, diffusés à la télévision française, en Europe et au Japon. On lui doit aussi deux pièces de théâtre, à savoir « Like a Christmas Tree » et « The Actress ». Etel Adnan s’est aussi essayée au cinéma, réalisant un film sur Calamity Jane en collaboration avec Delphine Seyring.

Etel Adnan, l’artiste peintre

Nous vous le disions, les œuvres d’Etel Adnan font partie de nombreuses collections privées et de musées à travers le monde, tels que le Musée royal jordanien, le Musée d’art moderne de Tunis, le Moderna Museet de Stockholm (Suède), le Musée Sursock de Beyrouth, l’Institut du monde arabe de Paris, le British Museum de Londres, la collection de la Banque mondiale et le National Museum for Women in the Arts de Washington DC.

En 2010, l’artiste participe au « Memory Marathon » à la Serpentine Gallery de Londres et en 2012, elle prend part à Documenta13 à Kassel. En 2014, ses œuvres sont présentées à la Whitney Biennial de New York et, la même année, le Mathaf de Doha lui consacre une rétrospective dont le commissaire est Hans Ulrich Obrist. En 2016, la Serpentine Sackler Gallery de Londres organise la première exposition personnelle de l’artiste au Royaume-Uni. Puis, en 2018, le San Francisco Museum of Modern Art et le Zentrum Paul Klee à Berne lui consacrent des expositions personnelles. Enfin, en 2019, l’Institut d’art moderne de Nuremberg, le MUDAM de Luxembourg et l’Aspen Art Museum du Colorado lui consacrent également des expositions personnelles.

Profondément amoureuse de la nature, Adnan peint des paysages sans figures humaines. Cherchant à représenter uniquement la beauté physique de l’univers et le lien intense qu’elle entretient avec lui, l’artiste exécute ses tableaux d’un trait clair et assuré. Les couleurs, audacieuses et en même temps nuancées, donnent un sentiment de permanence à la toile. Entre autres tableaux, citons pêle-mêle Désordre (2020), Envol (In Flight – 2017), L’apocalypse Arabe (2020), Journey (2018), En Route Vers le Désert (2018), Lumière Blanche (2016)…